Photo du livre Miséricorde de Jussi Adler Olsen

Affaire non résolue, enquête sous tension : bienvenue au Département V

Premier tome de la série des enquêtes du Département V

Le prologue donne immédiatement le ton.

“Avec le bout de ses doigts, elle gratta jusqu’au sang les murs lisses, elle frappa de ses poings fermés le verre épais des vitres jusqu’à ce qu’elle ne sente plus ses mains. Dix fois au moins, elle avait retrouvé à tâtons la porte d’acier, inséré ses ongles dans la fente pour l’arracher, mais la porte avait un bord tranchant et restait inébranlable.”

Dès les premières lignes, une atmosphère oppressante s’installe. On ignore qui est la victime ni depuis combien de temps elle est enfermée. Tout laisse penser qu’elle est captive depuis un moment et que ses ravisseurs tiennent à la maintenir en vie… pour l’instant.

Une enquête entre passé et présent

Le roman alterne entre deux temporalités : 2002 et 2007.

En 2007, on fait la connaissance de Carl Mørck, un policier talentueux mais détesté de sa hiérarchie et de ses collègues. De retour après un long arrêt maladie, il porte les séquelles d’une affaire qui a mal tourné : un coéquipier tué, un autre devenu paraplégique, et lui-même frôlé par une balle à la tempe. Depuis, il a perdu toute motivation pour son métier.

“Aucun d’entre eux n’aurait pu deviner à quel point cette affaire allait mal tourner ! Ni savoir qu’il ne se passerait pas plus de cinq minutes entre l’instant où ils pénètreraient dans la pièce nauséabonde où gisait le corps, et celui où il verrait Anker à terre, allongé dans une mare de sang, pendant que Hardy marchait sur ses jambes pour la dernière fois de sa vie et que lui-même perdrait irrémédiablement le feu sacré…”

Désagréable, cynique et peu respectueux envers ses collègues – notamment les femmes –, Carl est loin d’être un personnage sympathique. Alors, quand son supérieur décide de créer une nouvelle division dédiée aux affaires non résolues, le Département V, c’est tout naturellement qu’il l’envoie le diriger… seul.

C’est là qu’intervient Assad, officiellement homme à tout faire, officieusement une perle rare. Attachant et perspicace, il se montre bien plus enthousiaste que Carl pour le travail policier. Je suis venu dans son bureau (le chef de la Brigade) tous les jours pendant un mois pour avoir un job […] J’adore la police.

D’origine syrienne et musulman pratiquant, il ne se sépare jamais de son tapis de prière et a une approche très personnelle du code de la route. Ce duo improbable fonctionne pourtant à merveille : Carl, l’inspecteur grincheux qui préfère faire des sudokus, et Assad, le passionné qui se révèle bien plus compétent qu’il n’y paraît. D’ailleurs, c’est lui qui prend l’initiative de se plonger dans le dossier de leur première affaire et qui briefe Carl sur le chemin du premier interrogatoire.

L’affaire Merete Lynggaard : disparition mystérieuse et faux-semblants

En parallèle, l’intrigue nous ramène en 2002. On y découvre Merete Lynggaard, vice-présidente du Parti démocrate danois, une femme politique scrutée par les médias mais profondément discrète sur sa vie privée. Chaque soir, elle retrouve son frère handicapé, Oluf, suivant un rituel immuable qui lui est essentiel.

Ce lien indéfectible entre eux prend racine dans une tragédie : un accident de voiture, lorsqu’elle avait 13 ans et lui 16, qui a coûté la vie à leurs parents et laissé Oluf incapable de parler. Depuis, elle s’est fait la promesse de veiller sur lui. “Il était le seul qu’elle ait admis dans son cœur, elle n’était intimement liée qu’à lui. Elle avait fermé sa porte à tous les autres et s’était enfermée dans leur solitude à deux.”

Sa vie est parfaitement cadrée, jusqu’à sa rencontre avec un homme mystérieux, une relation qu’elle préfère couper court avant qu’elle n’aille trop loin.

Puis, tout bascule. Lors d’une traversée en ferry pour des vacances à Berlin, Merete disparaît. L’enquête conclut à une noyade, bien que son corps ne soit jamais retrouvé. Cinq ans plus tard, c’est cette disparition qui devient la première affaire du Département V.

Une enquête qui piétine… jusqu’au déclic

Peu motivé, Carl se contente du strict minimum, laissant Assad porter l’essentiel du travail. L’affaire semble être une impasse : beaucoup d’éléments dans le dossier, mais aucune vraie piste. Carl est à deux doigts d’abandonner… mais Assad, encore une fois, relance l’enquête.

Et lorsque les premières pièces du puzzle s’assemblent, le suspense devient insoutenable. Impossible de lâcher le livre. L’intrigue est parfaitement ficelée, et le dénouement ne déçoit pas.

Un polar captivant, un duo inoubliable

J’ai adoré cette lecture. C’est un excellent roman policier, porté par une tension constante. L’alternance entre l’histoire de Merete et l’enquête de Carl fonctionne à merveille.

Carl, malgré son sale caractère, finit par devenir presque attachant, « Tiens, pensa Carl avec satisfaction, ce sont les têtes de lard dans mon genre dont on se souvient le plus facilement”…En effet.

Quant à Assad, il est tout simplement irrésistible. Au fil de l’enquête, il se révèle indispensable et intrigue autant qu’il amuse. Il est une véritable force du Département V.

Difficile de trouver un point négatif : ce livre m’a captivé du début à la fin.

“Elle était en train de penser à des livres. Elle y pensait souvent pour éviter d’imaginer la vie qu’elle aurait pu avoir, si seulement elle avait fait des choix différents pour son existence. Penser aux livres la transportait dans un autre monde. Le seul fait de se représenter la sécheresse et la douce texture du papier allumait en elle une flamme de nostalgie. Elle retrouvait l’odeur de la cellulose et de l’encre d’imprimerie évaporée.”

J’espère que vous lisez de belles choses.

À bientôt !

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