Peinture numérique réaliste représentant un paysage urbain sous tension, avec des contrastes forts entre l’ombre et la lumière. Des bâtiments imposants, un ciel orageux et une atmosphère de violence et de tension marquent l’ambiance.

Zulu – Caryl Férey : un roman noir violent et poignant sur l’Afrique du Sud post-apartheid

C’est un livre qui traîne dans ma PAL depuis des lustres. Je crois bien que j’ai d’abord vu le film éponyme qui m’a ensuite donné envie de lire le roman. Je n’ai que très peu de souvenir du film. En revanche, je ne risque pas d’oublier le livre. Ce roman est dense et violent avec un criminalité et un contexte sociétal de Cap Town qui sont au cœur de l’intrigue.

Enfant, Ali Neuman a fui le bantoustan du KwaZulu pour échapper aux milices de l’Inkatha, en guerre contre l’ANC, alors clandestin. Même sa mère, seule rescapée de la famille, ne sait pas ce qu’elles lui ont fait…
Aujourd’hui chef de la police criminelle de Cape Town, vitrine de l’Afrique du Sud, Neuman doit composer avec deux fléaux majeurs : la violence et le sida, dont le pays, première démocratie d’Afrique, bat tous les records. Les choses s’enveniment lorsqu’on retrouve la fille d’un ancien champion du monde de rugby cruellement assassinée dans le jardin botanique de Kirstenbosch. Une drogue à la composition inconnue semble être la cause du massacre. Neuman qui, suite à l’agression de sa mère, enquête en parallèle dans les townships, envoie son bras droit, Brian Epkeen, et le jeune Fletcher sur la piste du tueur, sans savoir où ils mettent les pieds…
Si l’apartheid a disparu de la scène politique, de vieux ennemis agissent toujours dans l’ombre de la réconciliation nationale…

Un polar engagé sur fond de misère et d’apartheid

L’intrigue elle-même est presque un prétexte pour sensibiliser le lecteur à la réalité de la vie des populations pauvres en Afrique du Sud, et à l’impact encore bien présent de l’apartheid. Ce n’est pas juste un polar, c’est un véritable roman noir social.

Dès la première scène du prologue, le ton est donné. C’est dur. Très dur. On assiste à l’assassinat du père et du frère d’un des personnages principaux, alors qu’il n’était qu’un enfant. C’est glaçant et franchement terrifiant.

On suit ensuite un groupe d’enquêteurs de la police du Cap, tous à l’image de cette ville : éclatés, brisés. Il y a un Zoulou, le chef de la police criminelle que la vie a rendu presque fou de haine, et un Afrikaner anti-apartheid totalement à la dérive. La découverte du corps d’une jeune fille issue de la haute société blanche va les entraîner dans toutes les strates de la société sud-africaine. Et nous, lecteurs, on est embarqués avec eux, hébétés, dans un monde dont on ne soupçonnait pas la dureté ni la violence.

Caryl Férey a réalisé ici un vrai tour de force. Ce roman est extrêmement bien documenté — en tout cas, pour quelqu’un comme moi qui ne connaît pas personnellement l’Afrique du Sud. Avant de commencer Zulu, j’étais persuadé de lire un auteur sud-africain… jusqu’à ce que je découvre que Férey est en fait français. Grosse surprise ! C’est assez incroyable de réussir à s’immerger à ce point dans la culture et le contexte sociopolitique d’un pays aussi complexe.

Brian considérait que ses ancêtres, en instaurant ce système, avaient chié dans leurs froc: la peur du noir avait envahi les consciences et les corpsavec une charge animale qui rappelait les vieilles peurs reptiliennes – peur du loup, du lion, du mangeur d’hommeblanc.

Alors bien sûr, peut-être qu’un Sud-Africain aurait des choses à redire, mais vu que le livre a été adapté au cinéma, j’imagine que pas mal de gens l’ont trouvé crédible.

C’est un roman très dur. La violence et la misère en sont la base, et certaines scènes, sans être forcément les plus sanglantes, m’ont profondément marquée. Ce sont celles qui inspirent une immense détresse, qui donnent un sentiment d’immense injustice. Celles qui te font prendre conscience que, même si ta vie n’est pas toujours simple, d’autres vivent dans des conditions effroyables, avec une trajectoire de vie toute tracée à laquelle ils ne peuvent apparemment rien changer.

C’est cette fatalité dans la misère et la violence qui m’a le plus remué.

Zoulou est un livre que j’ai vraiment aimé. Il donne le sentiment de sortir de la lecture en ayant appris quelque chose sur l’Afrique du Sud, sur son histoire, sa société. Et franchement, ça ne donne pas envie d’y faire du tourisme.

Mais… gros bémol sur la représentation des femmes. Elles sont clairement les grandes oubliées de ce roman. Leur rôle se limite à des fonctions classiques, voire attendues : mère, soignante, objet de désir ou de perversion masculine. Elles sont là pour faire avancer les personnages masculins, et rien d’autre. Quelle que soit leur classe sociale, elles restent cantonnées à l’ombre du masculin. Il n’y a pas de personnage féminin à la hauteur du panel de personnage masculin que l’ont retrouve dans ce roman. Et franchement, je suis fatiguée de ces histoires où les hommes prennent toute la place laissant la moitié de l’humanité reléguée au second plan.

Publications similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *